Le président français Emmanuel Macron se prépare à introduire une loi contre les « fausses nouvelles » d’ici fin 2018. Mais les critiques expriment des inquiétudes quant à ce qu’ils considèrent comme une atteinte potentielle à la liberté d’expression. Si elle venant à être adoptée, la proposition de Macron ajouterait la France à une liste croissante de pays européens qui ont pris des mesures officielles contre la désinformation en ligne. Une loi allemande similaire est entrée en vigueur le 1er janvier et la République tchèque a créé un groupe de travail anti « fake news » il y a un an.

Des mesures pour défendre la démocratie

Dans son premier discours du Nouvel An en tant que président, Emmanuel Macron a déclaré que des mesures étaient nécessaires pour défendre la démocratie française. Le président a déclaré mercredi 03 janvier 2018 qu’il proposerait une nouvelle loi pour lutter contre les fausses nouvelles en ligne dans la perspective des élections françaises.

« Nous allons développer nos moyens légaux de protéger la démocratie contre les fausses nouvelles », a déclaré M. Macron dans un discours du Nouvel An à la presse à Paris. Si on veut protéger les démocraties libérales, il faudra avoir une législation forte. Macron avait vivement critiqué les médias russes pour avoir prétendument diffusé de fausses informations peu de temps avant son élection en mai.

Le président de 40 ans a déclaré que les médias russes RT (anciennement connu sous le nom de Russia Today) et Sputnik ont publié des « contre-vérités diffamatoires » et une « propagande mensongère » lors d’une conférence de presse conjointe avec le président russe Vladimir Poutine.

Promettant plus de détails dans les semaines à venir, Macron a déclaré que les modifications légales permettraient aux juges de répondre rapidement aux faux contenus en ligne en supprimant les informations, en fermant le compte associé ou en bloquant l’accès au site web hôte. Les plates-formes en ligne seraient également tenues d’être plus transparentes au sujet des contenus sponsorisés par des entités extérieures, tandis que le nombre de médias sponsorisés serait plafonné.

L’organisme de surveillance audiovisuel de la France aurait également le pouvoir de lutter contre toute tentative de déstabilisation par des chaînes de télévision contrôlées ou influencées par des États étrangers.

Macron a déclaré que la presse serait consultée sur les détails de la loi. Les mesures proposées, a-t-il ajouté, ne nuiraient pas à la liberté de la presse car elles ne seraient appliquées que pendant les campagnes électorales : Aucune des libertés de la presse ne sera remise en question par ce texte de loi, a affirmé le président de la République Française.

Cette annonce intervient après l’adoption par les législateurs allemands d’une nouvelle législation anti-fausses nouvelles qui permet aux autorités d’infliger des amendes allant jusqu’à 50 millions d’euros (60 millions de dollars) aux réseaux sociaux pour avoir omis de retirer rapidement des informations fausses ou haineuses.

Rebaptisé « loi de fiabilité de confiance de l’information », le projet de loi est à un stade assez avancé. La rédaction de cette loi, visant à étendre le champ d’application de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, a été confiée à Françoise Nyssen, la ministre de la Culture et de la Communication. Dans une interview accordée le 04 février 2018 au Journal du Dimanche, elle a révélé que le texte de loi contiendra une procédure de référé judiciaire.

Une loi controversée

Dans un éditorial, le journal Le Monde a déclaré qu’une loi, sur un sujet aussi crucial que la liberté de la presse, est par nature dangereuse.

Dans la presse française, un point de référence commun a été une nouvelle loi allemande contre le discours de haine. Elle était théoriquement destinée à lutter contre les menaces en ligne, les accusations trompeuses et la diffamation en forçant les principales plateformes de réseaux sociaux à retirer certains commentaires s’ils sont jugés illégaux et offensants et s’ils ont été signalés par les utilisateurs. Les critiques l’appellent « un excellent exemple d’une loi bien intentionnée qui a mal tourné ».

Depuis son entrée en vigueur la semaine dernière, un certain nombre d’utilisateurs, parmi lesquels des journalistes et des militants éminents, ont cité des cas de ce qu’ils perçoivent comme une atteinte à la liberté d’expression. Le magazine satirique allemand Titanic, par exemple, a vu son compte Twitter temporairement suspendu. Une auteure a déclaré que Twitter avait supprimé un tweet dans lequel elle reprochait aux autorités allemandes d’avoir omis de mener des enquêtes sur la xénophobie.

De nombreux journalistes et universitaires français soulignent que la France, tout comme l’Allemagne, a déjà des réglementations qui limitent ce qui peut être publié. Une loi de 1881, par exemple, interdit «la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles, entre autres choses. L’intérêt de Macron pour les plateformes de médias sociaux ne peut que répéter l’exemple allemand, selon certains critiques.

Fake news : un sujet de préoccupation bien réel

Les craintes des défenseurs des libertés individuelles et collectives sont légitimes, mais il ne faut pas non plus oublier la nocivité des fake news. L’élection présidentielle au Kenya prouve que les fausses nouvelles sont une menace sérieuse à la sécurité internationale.

Pendant des mois, des informations fausses ont proliféré à travers le pays. Les rapports falsifiés de CNN, de BBC et de Daily Nation ont été largement partagés, tandis que des ONG importantes ont dû désavouer publiquement des déclarations en ligne inventées en leur nom. Les résultats de recherche payants sur Google et les messages sponsorisés sur Facebook, Twitter et Instagram ont également été utilisés pour lancer de fausses accusations contre des personnalités politiques.

L’élection du Kenya montre que les fausses nouvelles sont un phénomène mondial et une menace de sécurité internationale à part entière. Depuis l’élection des États-Unis, de nombreux nouveaux cas sont apparus, notamment en France, en Allemagne, aux Philippines et au Myanmar. Et la liste continuera de croître.

Une équipe de chercheurs de l’Ohio State University a conclu dans une nouvelle étude que les fake news ont eu un impact significatif sur les électeurs lors de l’élection présidentielle de 2016, ce qui pourrait avoir eu une incidence sur le résultat final.

L’étude, d’abord rapportée par le Washington Post, a cherché à mesurer dans quelle mesure les fausses nouvelles ont dissuadé les électeurs qui ont voté pour le président Obama en 2012 de voter pour le candidat démocrate à la présidentielle Hillary Clinton en 2016.

Alors que les chercheurs ont souligné qu’ils ne pouvaient pas définitivement dire que les fausses nouvelles ont poussé les électeurs d’Obama à abandonner Clinton en 2016, ils ont néanmoins conclu que ces histoires avaient un « impact substantiel » sur les électeurs pour conduire à l’élection de Donald Trump.

Récemment, l’Italie et la Malaisie ont du prendre des mesures afin d’empêcher que la diffusion de fausses nouvelles ne biaise les résultats de leurs élections respectives.